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Etre un "bon parent": la tyrannie des principes éducatifs
Etre un "bon parent": la tyrannie des principes éducatifs
De retour de vacances d'hiver (que nous prenions pour la première fois en presque 10 ans) nous racontons notre séjour à beau papa et particulièrement les quelques intenses moments passés avec Chouchou sur les pistes de ski en famille. Et là "bim": voilà beau-papa en train de nous expliquer que Mr et Mme Machin payent des cours de skis tous les ans à leurs enfants et qu'il est bien dommage que nous ayons choisi de ne pas faire de même (comprendre: que nous ayons décidé de changer de boulot et bosser à temps partiels avec les sacrifices financiers qui vont avec...). Le tout au nom du sacro-saint "épanouissement" de notre fils, de son éducation, des "chances" qu'on lui donne (comprendre: "le statut social qu'on lui donne").
Quelques jours plus tard, à l'occasion d'une manifestation organisée pour "limiter les écrans chez les plus jeunes" une collègue m' a expliqué sans sourciller que ses fils, contrairement au mien, ne regardent que trèèèès peu la télévision (tant elle est une booonne mère) et alors que je faisais part de mes difficultés à ne pas avoir recours à ça lorsque je suis fatiguée et que j'ai besoin d'une "pause" (d'autant que Chéri bosse en décalé), elle n'hésite pas à me dire qu'il s'agit d'un de ses (nombreux) principes éducatifs non-négociables et qu'elle a simplement appris à ses enfants....à ne pas la solliciter et à s'occuper seuls ( le tout à coup de pieds au c..... !)
Un autre jour encore, alors que Chouchou (à peine trois ans à l'époque) peinait à se passer de couches ce qui me stressait pas mal à la perspective de sa rentrée et de la volonté profonde que j'avais de ne pas le "perturber" (on en parle des violences institutionnelles?) une amie de la famille n'hésite pas à me dire qu'elle n'a jamais transigé avec ses questions quand ses enfants étaient petits et que finalement ils ne sont pas morts d'être rentrés dans la norme.
En tant que professionnelle de l'enfance et maman je suis souvent au premières loges pour entendre, comprendre et même parfois adhérer à un certain nombre de ces principes disséminés un peu partout dans nos vies pressées et pressantes. Y compris chez les professionnels d'ailleurs. Seulement voilà. Il y a la vie. Et la vie ce n'est pas qu'une question de principe.
Oscar Wilde disait : "Appuyez-vous sur vos principes, ils finiront par céder". Un principe, s'il n'est pas questionné, remis en perspective, adapté à nos vies, à nos enfants, à nous même n'est jamais qu'un barreau de plus dans une prison invisible. Et chercher à le faire tenir à tout prix nous prive de cette indispensable connexion à nous même dont nous avons besoin pour être souple, pour avancer, pour vivre. Pire encore le seul résultat à attendre d'un tel positionnement est un éloignement irrémédiable de nos enfants qui chercheront ailleurs la liberté et le sens qui leur est vitalement essentiel. Et peut être même en reniant les fameux principes dont nous les avons abreuvés....et il nous faudra alors nous soumettre à l'évidence que finalement ils n'étaient peut être pas si essentiels que ça....
La question de la culpabilité est aussi à l'oeuvre car, enfin, les campagnes de prévention chargés de "sensibiliser les familles" à un certain nombre de questions (obésité, excès d'écran entraînant des retards de développement etc...) entrent bien souvent en contradiction totale avec l'environnement dans lequel nous évoluons et que nous ne voulons/pouvons questionner et orienter! L'exemple des écrans me semble assez parlant dans la mesure où nous, adulte en sommes saturés en permanence et où ils se sont même invités dans notre intimité. Ainsi nous passons des heures sur nos smartphones, nos tablettes, au supermarché ou dans les transports même où les panneaux non contents d'être publicitaires sont devenus interactifs. Incitation/injonction à consommer....surtout de l'écran. L'éducateur quel qu'il soit (parent, professionnel etc...) se retrouve donc en pleine injonction paradoxale à devoir lutter à contre-courant.....en permanence. Voilà ce qui pèse sur les têtes parentales: tenir une ligne intime en contradiction avec le monde extérieur ou céder aux sirènes de ce monde là. Et comme tout tenir en permanence est physiquement/psychiquement impossible, l'individus se retrouve automatiquement à céder parfois....et à culpabiliser de le faire!!! De quoi devenir fou.
Ainsi quand belle-maman, tata Mireille ou encore ton voisin te reproche d'un air savant que ton gamin grignote sans cesse, passe son temps devant les jeux vidéos ou encore dort tous les soirs dans ton lit alors qu'il va systématiquement lui faire des frites à chaque visite ou encore le couvrira de cadeaux délirants sans raison, il participe pleinement à la tyrannie éducative en vigueur en jouant la carte de tous les excès. Dans un monde où rien n'est compatible avec la parentalité il y a de quoi être inaudible et totalement inefficace.... voire même maltraitant.
Etre parent/éducateur dans ce monde là c'est bien souvent louvoyer entre deux tendances, trouver un compromis, voire faire des concessions entre ses principes, ses valeurs et les influences extérieures. Dans le cas de la collègue qui annonce comme règle établie pour l'ensemble de la planète le fait que les enfants ne doivent se trouver devant un écran qu'une demi-heure par jours il y a me semble-t-il à s'interroger: vaut-il mieux, coller ses gosses devant la télé après avoir passé un long moment éducatif agréable avec eux et être détendu dans les rapport à ses enfants ou ne jamais leur permettre ce temps là (ni à soi-même d'ailleurs) mais ne pas partager de moments quotidiens essentiels à l'épanouissement du lien parents-enfants parce qu'on a besoin de tenir une ligne dure et qu'on a aussi besoin d'espace pour soi tout seul.... Et ce qui est valable pour soi et son équilibre l'est-il vraiment pour tout le monde?? Il y a aussi à respecter le rythme, l'équilibre de chacun, de chaque famille...
Personnellement mon choix est fait.
Je choisis de mettre les campagnes de prévention et autres "règles de bon sens" de côté pour écouter mes besoins, ceux de mon Chéri et ceux de mon enfant.
Je choisis d'être une mère imparfaite mais plus détendue.
Je choisis d'être moins épuisée mais tout à fait présente à ma vie et à celle de mes proches.
Je choisis de partager encore de jolis moments en famille, et de moins jolis aussi....
Je choisis d'être définitivement créative et préoccupée à trouver des solutions originales.
Je choisis de choisir mes principes....et d'y renoncer! Ou de les re-choisir!
Je choisis d'être une mère...mais pas que!
Je choisis d'entendre chacun pour ce qu'il est: Un être à part.
Je choisis d'être vivante d'aimer la vie et d'offrir cette vie à mon fils pour qu'il en fasse autre chose, un truc à lui....
Tags : parentalité et enfants
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